La guerre au nom de la paix ?
Interroger nos comportements au quotidien à travers les arts martiaux
Ce regard que je porte sur les arts martiaux n’engage bien sûr que moi. Je ne prétends pas détenir quelque Vérité que ce soit.
Les arts martiaux ne sont ni du sport, ni du combat, ni du self defense, ni des sports de combat, ni une compétition.
C’est un chemin vers soi, vers la paix intérieure… vers une qualité d’être avec soi et donc avec les autres.
Les applications martiales ont pour moi cet intérêt qu’elles sont nourries par l’intention martiale laquelle permet d’incarner le mouvement…
Par incarner le mouvement, j’entends, ressentir jusqu’au plus profond de soi avec ces 5 sens dans le mouvement tout son corps jusqu’à la plus petite cellule et tout l’espace entre la matière… toute la Vie…
L’autre est un partenaire qui permet d’améliorer à chaque fois cet état d’être à travers l’équilibre, l’ancrage, la précision des déplacements et du geste qui ne peut être précis et juste que parce que je suis calme dans une écoute pleine de moi et de l’autre.
Il ne s’agit pas de faire un mouvement… il s’agit d’Être le mouvement… celui de la Vie…
C’est un chemin de toute une vie et sans doute plusieurs… mais quel chemin !
Aussi, il n’est pas possible de combattre car cela signifierait qu’il faut gagner. Qui dit gagner implique de fait que l’autre perd. On gagne au détriment de l’autre en le mettant à terre… en l’éliminant, en le “tuant”. Le risque de ce processus est de renforcer l’ego car vaincre donne un sentiment de puissance… par rapport à l’autre : “Je suis le (la) plus fort(e)”.
Les arts martiaux donnent confiance en soi. Oui, à condition de ne pas construire cette confiance sur notre force par rapport à d’autres donc leurs faiblesses car cela voudrait dire qu’elle se nourrit de la faiblesse des autres. Autrement dit, ce qui donnerait de la confiance c’est de savoir que l’on peut déséquilibrer, mettre à terre quelqu’un…
La confiance en soi comme tant d’autres choses ne dépend que de nous. Elle ne se construit non pas dans la peur de l’autre mais dans l’amour de soi.
Je me souviens d’une personne qui me parlait de “son” maître, un vrai samourai, un guerrier. Il se promenait un soir dans la rue et s’est retrouvé cerné par des jeunes qui apparemment voulaient en découdre. Il semblait une “proie” facile : personne âgée (70 ans). Ni une ni deux, ce jeune vieillard a envoyé les jeunes à l’hôpital et s’est retrouvé au commissariat pour avoir cassé les côtes ou le bras aux uns, estropié les autres.
Si de toute évidence ce maître maîtrise les techniques de combat, les questions que je me pose sont :
À quel moment ce “maître” a-t-il été maître de sa peur ?
A-t-il vu là un moyen de se prouver sa force ?
A-t-il voulu lui aussi en découdre ?
Est-il fier d’avoir blessé d’autres ?
Sur quoi repose sa confiance en lui : sur sa maîtrise des techniques de combat ou sa maîtrise de soi ?
Que recherche-t-il dans sa pratique ?
L’arme la plus redoutable est l’égo car elle est nourrie par la peur.
Une autre histoire… Dans le compartiment d’un train sont installées des personnes. Tout est tranquille lorsqu’un homme arrive. Son comportement est particulièrement agressif et vindicatif. Il parle mal, bouscule. Il finit par s’installer. L’ambiance est tendue… Une personne déjà installée dans le compartiment a assisté à la scène. Elle se déplace pour s’asseoir en face de l’homme agité et engage une conversation naturelle avec lui. Il dégage un tel état de calme que l’homme se détend et la tension tombe.
Cet homme calme est un karatéka. Il aurait pu répondre à la situation en montrant sa force et sa technique ou en voulant intimider avec cela. Mais de toute évidence, il est assez maître de sa peur pour ne pas voir dans une démonstration de force une solution possible autrement dit pour voir dans sa qualité de présence à lui-même la solution.
Voilà le chemin des arts martiaux pour moi : pratiquer une qualité d’être avec soi qui rayonne autour de soi et qui ne peut créer une situation de guerre.
C’est une illusion de croire que se défendre est légitime car se défendre c’est contre-attaquer et c’est donc rentrer en guerre et non en paix. Se défendre ou attaquer c’est la même chose : ce n’est certainement pas pour la paix que l’on attaque car c’est sûr… il y aura des morts…
La meilleure des défenses est de ne pas provoquer. Par inconscience nous pouvons provoquer telle ou telle situation, il nous appartient de nous éveiller pour pouvoir le voir et agir sur la seule chose sur laquelle nous pouvons agir… soi…
Je crois que peu importe guerre ou paix, combat ou chemin, sport ou voie… le plus important c’est d’être honnête avec soi-même.
Ce n’est pas honnête de dire que l’on est pour la paix quand on prend les armes en son nom ou pour tout autre noble cause, car prendre les armes c’est la guerre et la réalité d’une guerre ce sera toujours détruire, blesser, tuer, enlever la vie… et CELA, CE N’EST PAS LA PAIX !
Il y en a des monuments imposants à la mémoire de ses combattants morts à la guerre. Il y en a des commémorations pour se souvenir des horreurs et ne pas recommencer… pourtant, rien ne change : il y a toujours des guerres et les pays s’arment toujours de plus en plus ! C’est simple, LE Monde est armé jusqu’aux dents !
Je crois que les morts de toutes les guerres doivent se retourner dans leur tombe… car leur message ce serait sans doute faites VRAIMENT la paix !
Pour faire la paix… il faut déjà la construire… pour la construire… il faut déjà oser déposer les armes et les démonstrations de forces en font partie.
Si tu vaincs un ennemi, il sera toujours ton ennemi. Si tu convaincs un ennemi, il deviendra ton ami.
- Morishei Ueshiba
La pratique des arts martiaux peut sans doute mener à la maîtrise d’une technique mais en fonction de ce avec quoi vous nourrissez votre technique, la peur ou l’amour, cette pratique peut soit faire de vous un combattant de plus… soit un combattant de moins… un Maître… de soi.