Se vider ou se remplir ?
Derrière l'apparente "simplicité" d'un mouvement se cache un véritable trésor...
Je mangeais avec des amis dernièrement et quelqu’un m’avouait s’être ennuyé à un cours de qi gong car le mouvement était “trop simple”.
Qu’est-ce qu’un mouvement trop simple ? J’ai compris que c’est un mouvement si facile à réaliser qu’il ne permet pas de tirer une satisfaction d’avoir “travaillé”. C’est vrai que plus c’est compliqué, plus il faut faire des efforts et aller au bout de ses limites plus grande est le sentiment d’avoir gagné son “pain”. Pour se sentir “plein”, il faut transpirer, se faire mal.
Alors que je donnais mon cours de tai chi à Montpellier à côté de la piscine d’Antigone, j’ai entendu soudain une dame qui semblait être en colère. Je ne voyais pas où elle était mais elle criait fort. Je ne comprenais pas ce qu’elle disait même en tendant l’oreille et j’ai pensé qu’elle était si malheureuse qu’elle était devenue folle pour tenir autant de propos incohérents.
Mes élèves semblaient partager ce sentiment.
Puis nous avons réalisé qu’il s’agissait du coach de la salle de gym de la piscine qui scandait son cours dans son micro pour met- tre au pas tous ces corps en demande de sueurs, cardio, stretching, muscu, tensions. Parce qu’il faisait chaud, les portes de la salle avaient été ouvertes et la séance s’invitait dans l’espace public. Nous avons été le témoin d’une heure de gym intensive...
J’imagine que le mouvement est, là, suffisamment acceptable au regard du niveau de souffrance qu’il procure pour être classé dans les pratiques qui font suffisamment suer, qui font suffisamment mal pour procurer des sensations et se sentir vivant.
Car c’est bien ce que nous cherchons se sentir vivant et chacun sa façon : se sentir vide après une séance de gym intensive ou plein après avoir marcher le long d’une rivière ou jardiner son potager ou avoir passé du temps avec les personnes qu’on aime ?
Derrière la simplicité du geste, derrière l’apparente lenteur, il y a la Vie bourdonnante, chatoyante, complexe, diverse, foisonnante que l’on peut sentir en soi. Cela demande une certaine attention à ce qui se passe non pas à l’extérieur de soi mais à l’intérieur. Puis avec un peu de persévérance - car bien sûr, il faut accepter de ne pas sentir grand chose au départ si ce n’est un corps façonné par la peur du vide - on commence à sentir toutes les parties de son corps qui se meuvent dans une parfaite synchronisation : os, tendons, ligaments, muscles, souffle... et en même temps, on prend conscience que le corps n’est que la porte d’entrée vers quelque chose de plus vaste... de plus profond...
Derrière l’apparente simplicité de toute chose, il y a une porte qui donne accès à l’infinie profondeur de notre être, la Vie. Cette porte n’est visible que si on prend le temps de s’attarder et écouter...